BIO


    « Les Nuits », c’est un film en forme de disque. Action ! Extérieur nuit. Travelling avant sur la colline pelée de « Beverley Hells » (album de 2012). Comme insensible à la tempête qui fait rage, se dresse un bâtiment inébranlable. Seul tremblote le néon glacé de l’enseigne : « Clinic Rodeo ». Intérieur nuit. Du bloc opératoire aux murs moites, on entend Les cavalcades de licornes infernales qui rebondissent en écho dans les corridors (« Unicorns from hell » in « Hunters », 2019). La fête du personnel de la clinique est un souvenir. La disco froide et hargneuse, un mouvement réflexe. La mort s’est abattue sur la piste de danse (« On the deathfloor » in « Beverly Hells », 2012). Mais l’hôpital a ses fantômes. Ils apparaissent de nuit. « Les Nuits ». 

    Surprise ! Ou plutôt «Surprises » pour citer le musculeux titre qui ouvre le 4e album de Clinic Rodeo : le duo (Ad aux cordes, Joy Harvey aux fûts) s’y recolle. Cette fois, leur nouvel effort discographique, enregistré et mixé par leurs soins en leur demeure, est hanté de cauchemars et de poésie. Y transpire un romantisme noir, impression soleil couchant. Clinic Rodeo distille toujours une vision d’une Americana d’autant plus authentique que fantasmée. Elle innerve les deux énervés. 

    Mais le rock garage et ses raffinements primitifs prend des atours brumeux, magnifiés par le mastering de Raphaël Jonin (Alain Bashung, Anne Paceo, Kyle Eastwood, Shaka Ponk…). « From Love to Die » se pare d’accents bondiens. «Holy Night » dévide une implacable rythmique stoner d’où s’extirpent des choeurs spectraux. Toujours, les strates multiples de guitares déferlent. Toujours, les peaux sont frappées sèchement et les éclats de cymbales sont comme des estafilades.  On ne baptise pas une chanson « Fury » pour de rire. Au micro, ça croone, ça râle, ça susurre… Car du sépulcre jaillit la vie. « Les Nuits », on rêve.

 Thomas Portier